"LES ENFANTS DE LA SCIENCE"

Voici ci dessous un extrait de l'introduction de ce séminaire:

"La procréation est subjectivement irreprésentable. Ce constat s’impose aussi dans le champ des procréations médicalement assistées, qu’elles soient autologues ou hétérologues - entre don de sperme, don d’ovule ou don de zygote - mais aussi dans celui des avancées de la médecine prédictive et du diagnostic préimplantatoire, des greffes de cellules souches ou de toutes les technologies qui se multiplient aujourd’hui dans le champ prénatal.
Quoi qu’il en soit, aucune de ces techniques ne livre le secret l’origine. D’où viennent les enfants ? C’est la question insoluble par excellence, qui ramène en effet le sujet au réel plutôt qu’à l’originaire : un réel à la fois déjà là et qu’elle participe à produire aussi bien. Pour y faire face, chacun fabrique sa propre solution, sa fiction, analogue aux théories sexuelles infantiles ou aux mythes de procréation, qui se réactualisent sous de nouvelles formes à travers les biotechnologies contemporaines de la procréation. Quel rapport entre sexualité et procréation, entre procréation et gestation, entre gestation et naissance ? qu’est-ce que la différence des générations? la différence des sexes? la généalogie? la filiation? Toutes ces questions sont potentiellement mises en crise par les artifices des biotechnologies contemporaines, qui en fait les dévoilent en les éclairant d’une façon renouvelée. Quoiqu’on en sache, l’origine reste inatteignable, toujours à inventer dans l’après-coup. Le fait de procréer hors sexualité, à travers l’intervention de tiers, avec le paradoxe de devenir des parents stériles, en allant jusqu’à immobiliser le temps par la cryoconservation, voire à la possibilité de se passer du père jusqu’au spermatozoïde si on en venait au clonage, bouleverse tous les repères de la procréation, tout en révélant que tout enfant est aussi corrélé au non rapport propre à la sexualité: reste à en tirer les enseignements qu’offrent aussi cette clinique nouvelle pour la psychanalyse, au-delà des vertiges biotechnologiques qu’elle induit.
Au-delà des techniques de procréation et de prédiction mises à la portée du sujet par la science contemporaine, le vertige du sujet reste entier face à un devenir dont il peut décider au-delà de ce qui le détermine – d’où un appel nouveau à la psychanalyse qui mette au centre de sa pratique la réponse du sujet face à un réel par rapport auquel il n’a pas d’autre prise que la réponse qu’invente, potentiellement toujours renouvelée au-delà de ce qui le détermine."

Bram Van Velde (Putman) "Je cherche le visage de ce qui n'a pa de visage"
extrait entretien Charles Juliet - Nouria Gründler